Blog

23, juin 2022

L’art d’être recruté ou la métaphore amoureuse …

La question « Pourquoi postulez-vous dans notre entreprise ? » peut être déstabilisante mais n’est jamais anodine… En effet, un recrutement c’est une rencontre entre deux projets de vie et comme tout engagement, cela passe par quelques invariants à respecter. Alors pour dire à votre future entreprise que vous l’aimez, suivez le guide…

Un entretien de recrutement, c’est un peu l’émission de TV « Tournez Manège » : des inconnus endimanchés qui doivent se plaire, plusieurs candidats, un seul couple vainqueur, un jeu de questions-réponses pas toujours au goût des participants…  

Et dans le peloton de tête des questions qui suscitent généralement une moue dubitative du candidat figure toujours en bonne place l’incontournable « Pourquoi postulez-vous dans notre entreprise ? » sorte de mantra sortie du manuel du parfait recruteur.

S’il y a évidemment une part de mise en scène dans tout face à face employeur-candidat, cette dernière question appelle néanmoins une réponse très sérieuse car elle aborde une notion clef de la relation contractuelle : l’engagement des parties.

Imaginez en effet qu’un beau jour, votre conjoint/te vous demande au réveil : « Chéri(e), pourquoi m’as-tu choisi(e) ? »

Passé le choc de cette question incongrue, vous comprenez rapidement que seul un café vous sauvera de ce traquenard matinal et vous filez rapidement à la cuisine…

Le café avalé, ragaillardi et sûr de votre fait, vous pouvez donc vous laisser aller à l’évidence : « Et bien chéri(e), parce que je t’aime voyons ». 

Et oui, vous l’aimez… plus concrètement, vous lui trouvez des qualités, pas (encore) trop de défauts, vous aimez être en sa compagnie, vous aimez ce qu’il / elle fait, vous partagez des valeurs communes, vous avez des projets ensemble, vous trouvez qu’il /elle a du potentiel, qu’il/elle va vous apporter quelque chose, vous faire progresser dans la vie, etc…

Vous l’avez compris, l’art du recrutement c’est -toute proportion gardée- la même chose… car l’employeur ne va avoir de cesse de vérifier si l’engagement avec le candidat repose sur des bases claires et solides, si les feux sont au vert pour faire un bout de chemin ensemble, bref si le « consentement est éclairé ». 

Hantés par leur propre stress, les candidats méconnaissent en fait souvent celui de l’employeur qui ne veut ni ne peut rater son recrutement !

Et pourquoi me direz-vous ?

Tout simplement parce que les recruteurs avec une longue pratique (DRH, ligne managériale) ont tous au moins fait erreur de casting et en ont payé le prix fort : travail mal fait, production pas assurée, tensions, désorganisation du service, risque de contentieux, risque financier, risque social, énergie dépensée, temps dédié à la recherche d’un autre candidat, etc…). Il est donc naturel qu’ils prennent quelques garanties en entretien les fois suivantes.

Alors comme vous êtes éminemment sympathique et un tantinet malin, prenez pitié de cette figure d’autorité qui souffre devant vous et rassurez-la avec cette déclaration d’amour en 4 actes :                   

« Je postule dans votre entreprise parce que » :

1) « Je vous connais »:

Pour vivre à deux, il faut se connaitre alors montrez au recruteur tout l’intérêt que vous portez à l’entreprise : histoire, culture maison, futur environnement de travail, produits / services, organisation, problématiques actuelles, etc… L’idée n’est pas d’ânonner la page Wikipédia sur la société mais de montrer sincèrement que l’on s’est renseigné sur l’entreprise

2) « Je vous aime »:

Montrer qu’une flamme s’allume quand vous évoquez un ou plusieurs éléments de l’entreprise (sa mission, ses produits/services, sa culture, sa politique RH, ses défis, ses ambitions, ses engagements RSE, etc..). Et lorsqu’une flamme s’allume, le corps s’anime, l’œil pétille, la voix porte davantage, le cœur parle et l’autre cœur en face de vous le sent. 

3) « Nous avons des valeurs communes »:

« Connaitre et aimer » sont nécessaires mais pas suffisants pour faire un bout de chemin ensemble… encore faut-il partager une boussole commune et adhérer sans ambiguïté à l’objet social et aux valeurs de l’entreprise. Dites pourquoi ces valeurs vous tiennent à cœur à titre personnel et comment vous vivez ces valeurs concrètement dans votre vie…

4) « Voici ma dot »:

Que pouvez-vous apporter à l’entreprise pour que les choses avancent ? Quelles compétences, quelles idées, quels projets, quelle énergie, quelles expériences, quels réseaux, etc.. ? En quoi cela peut-il intéresser l’entreprise ? C’est là que peut apparaître l’élément qui va vous différencier par rapport aux autres candidats…

Passé ce 1er volet « technique », cette question pose en fait un autre problème d’un tout autre ordre. 

Sa seule évocation traduit en effet une dissymétrie des postures entre un recruteur en position haute et un candidat en position basse, renvoyant en quelque sorte le candidat au statut d’élève qui attendrait fébrilement ses résultats de concours.

Or, un engagement libre implique un choix réciproque… cette question devrait donc être immédiatement renvoyée en miroir par le candidat au recruteur : « Oui je veux travailler chez vous, oui je vous ai choisis par rapport à une autre entreprise mais vous, pourquoi m’avez-vous convoqué, pourquoi devrais-je vous choisir par rapport à une autre entreprise ? Je vous donne 2 minutes pour me convaincre que vous êtes le bon employeur »

Plus facile à écrire qu’à faire me direz-vous car le principe de réalité (du marché du travail) conjugué à une motivation parfois faiblarde (besoin immédiat d’argent, contrainte de mobilité, pas d’autres choix) contraignent parfois le candidat à faire profil bas.

Et pourtant -sauf urgence alimentaire- c’est bien dans cet esprit que devrait se dérouler tout processus de recrutement durant lequel deux adultes se choisissent mutuellement et librement pour faire quelque chose ensemble avec bénéfice réciproque.

Cette nécessaire symétrie des postures a une conséquente immédiate : elle oblige chaque candidat à définir son projet en amont, à bien se connaitre (qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? quels sont mes besoins ? à quoi je suis prêt à renoncer ? etc.…), conditions sine qua none pour ne pas subir l’entretien, ne pas se mentir à soi-même et au fond rester profondément libre.

C’est peut-être à cette prise de conscience que l’on assiste aujourd’hui chez les jeunes générations dont les nouvelles aspirations sonnent le glas de « l’employeur à vie » cher aux 30 Glorieuses et obligent les entreprises à repenser leur offre de travail en réponse à ce changement de paradigme (amélioration de la qualité de vie au travail, innovation sociale, flexibilité des organisations, télétravail, politique RSE, etc.…)

Ce phénomène est d’une telle ampleur que l’on assiste aujourd’hui à un phénomène de démissions massives qui a commencé aux États-Unis à partir de juillet 2020, à la suite de la pandémie de Covid-19, lorsque des millions d’Américains insatisfaits de leur travail ou de leur salaire ont quitté leur emploi. 

Ainsi le monde bouge, les hommes s’adaptent, la relation au travail évolue… mais les fondamentaux qui président à un engagement -si court soit-il- entre des êtres humains sont immuables. 

C’est vrai pour un contrat de travail comme pour un contrat de mariage….

Ne l’oubliez pas quand vous serrez la main du recruteur !

Jean-Baptiste de Luzanne, Coach Yapuka, spécialisé dans l’orientation scolaire et la transition professionnelle